Ritournelles
« C’est comme si les étoiles se mettaient à chanter un petit air de cloche de vache, un petit air de berger, ou à l’inverse, c’est les clochettes de vache qui sont tout d’un coup élevées à l’état de bruit céleste ou de bruit infernal »
Gilles Deleuze, Abécédaire
Tout commence par la sonnerie du schofar. Le schofar, c’est une corne de bélier qui commémore le non sacrifice d’Isaac par Abraham. Dieu siffle la fin des sacrifices humains. Ce n’est pas rien, n’est-ce pas ? Isaac signifie « Celui qui rira ». Celui-ci est sauvé par « Celui qui est » (Yahvé). L’Être bénit le Rire. Ce disque commence donc par un éclat de rire. C’est un bon début. Ritournelles est un disque déambulatoire. Ca zigzague du français à l’anglais, de Moïse à Epicure, de Saint Augustin à Tchouang-tseu, de Jack l’Eventreur à l’Ecclésiaste, de Nietzsche à La Fontaine, en passant par Rimbaud, Ducasse, Pound et Spinoza. Le monde est un théâtre, c’est entendu. On y croise des terroristes islamistes, de jolies altermondialistes castristes, des femmes d’action capitalistes, des situationnistes contemplatifs, des fanatiques du Bien, des indifférents, des mortels qui posent des questions sans réponse, et d’autres encore qui imposent des réponses sans question. Ne faut-il pas de tao pour faire un monde ? C’est ainsi que ces ritournelles oscillent, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui qu’elles chassent en mesure.
Tout est joli/All is pretty est un sextuor : Michel Debrulle est à la batterie ; Myriam Mollet aux percussions ; Lara Persain, aux harmonies ; Emmanuel Louis, à la guitare ; Martin Lauwers, au violon ; Thierry Devillers, au piano et au chant. Maintenant vous connaissez l’adage : « Dis-moi qui tu imites, je te dirai qui tu es. » Chaque oeuvre est riche de ce qu’elle évoque. On ne joue pas innocemment. On a écouté des disques. Mettons ceux de Randy Newman, John Cale, Bob Dylan, Leonard Cohen, Talking Heads, Skip James, par exemple, qui sait ? C’est vital, les influences. Tout dépend de ce que vous en faites. Et mieux vaut qu’elles vous ressuscitent qu’elles ne vous ensevelissent.
Ritournelles (2006)